Flash TLTE
Interview de Xavier Bernier, Directeur du Master TLTE de La Sorbonne
Pouvez-vous nous dire en quoi consiste votre métier ?
Il y trois composantes principales dans mon métier. L’une relève de l’enseignement, sous forme de cours magistraux ou de travaux dirigés. Ils sont dispensés dans les préparations aux concours, en Licence ou en master. De fait, une bonne partie de mes cours concernent le master TLTE dans lequel il s’agit aussi d’accompagner les mémoires jusqu’à leur soutenance. La deuxième partie de mon travail, hélas grandissante et très chronophage, recoupe un spectre très large d’activités que l’on pourrait ranger sous le chapeau de « l’administration » et du suivi institutionnel et individuel. Cela va des emplois du temps à l’accompagnement des étudiantes et des étudiants dans leur insertion professionnelle, en alternance ou en stage, de la gestion des ressources et des intervenants du master TLTE comme à celle de l’unité de recherche MEDIATIONS dont je suis le directeur. Le troisième volet relève enfin de la recherche et de l’accompagnement de la recherche. En la matière, mes spécialités concernent l’étude des sociétés au prisme de leurs mobilités et de leurs différentes façons de traverser l’espace.
Quel chemin avez-vous parcouru pour en arriver là ?
Les carrières universitaires passent par des concours et toute une série de diplômes : agrégation, doctorat (ma thèse portait sur Les manifestions spatiales de la modernité des mobilités au Népal « Transports, communications et développement en Himalaya central »), Habilitation à Diriger des Recherches ou HDR (la mienne avait pour thème « Traverser – Essai sur les figures spatiales d’un défi social »). Il s’agit ensuite de candidater à des postes quand il y en a d’ouverts.
Quelle(s) difficulté(s) est-ce que l’on rencontre dans l’exercice de votre métier ?
J’ai d’abord et avant tout le sentiment d’être un privilégié dans la mesure où j’exerce un métier qui me plaît. Les difficultés tiennent surtout à la dimension administrative soulignée plus haut.
Quel message voudriez-vous faire passer à nos lecteurs ? Y a-t-il un élément de votre vie professionnelle que vous souhaiteriez souligner ?
Je crois beaucoup à une formation et à une expérience fondées à la fois sur des dimensions très concrètes et pratiques, sur le terrain, mais aussi sur une mise à distance théorique et conceptuelle. C’est dans des allers et retours réguliers entre les deux que se forgent les meilleurs parcours professionnels.
Après cette période de confinement, comment penser l’avenir de nos mobilités ? Dans les villes et entre les villes ?
Les débats actuels sont très révélateurs des questions sociales et politiques qui se jouent aujourd’hui autour de la mobilité et que le confinement a exacerbées. « Tirer sur tout ce qui bouge » est devenu un nouveau credo dans un contexte caractérisé par l’irruption généralisée de la morale dans les débats. L’hypermobilité du Monde d’avant VS la démobilité du Monde d’après en quelque sorte. Un renversement des valeurs qui serait souhaité sinon en cours, avec des discours de culpabilisation et de hiérarchisation des pratiques.
Si tout ne se vaut pas, c’est tout de même aller vite en besogne. D’abord parce que la mobilité fait le Monde, comme l’avait déjà compris le philosophe Démocrite : « Notre Monde n’existe que parce que tout circule ». Pour les sciences sociales, habiter n’est pas synonyme de résider. C’est l’ensemble des façons d’être au Monde et de le pratiquer, de le vivre et d’y trouver sa place, avec l’autre et les autres. Si le confinement nous a assignés à résidence, l’empêchement à « habiter » était partiel et surtout temporaire.
« Habiter, c’est être mobile » est ainsi une forme de bannière que je mets en avant sur mon site web (https://xavierbernier.com). La mobilité ne se résume pas à aller d’un point A à un point B. Elle renvoie à des mises en relation et à des formes parfois très sophistiquées de composition et de recomposition de nos espaces de vie et d’échanges. Passer, franchir, parcourir, sillonner, bouger, cheminer sont autant d’actes pour (se) dé-placer et traverser… Ils ne sont pas des équivalents et la façon dont les individus mobiles les composent dans l’espace des sociétés m’intéresse particulièrement. Il s’agit de s’efforcer de comprendre un Monde en relations.
Avez-vous des activités extra professionnelles qui vous intéressent ou vous passionnent ?
Voyager est un de mes principaux ressorts. Et pendant qu’on voyage en particulier, on ne cesse jamais d’être géographe. Du coup, il est très difficile dans les faits de séparer mes activités professionnelles et extra-professionnelles. C’est un constat qu’on faire pour la lecture ou même le sport (la voile, le parapente ou le ski… me permettent de faire du terrain autrement en quelque sorte).
Que pensez-vous du réseau TLTE et qu’aimeriez-vous y voir ?
Il faut rappeler que TLTE est un des plus anciens, sinon le plus ancien master pro de France puisque sa création remonte à 1977. TLTE est de fait devenu une « marque » connue et reconnue dans le monde des transports, de la logistique et des mobilités. Le réseau est dynamique et les réseaux sociaux permettent de maintenir des liens trans-promotions. En tant que responsable du master, c’est vrai que les offres de stages, d’alternances ou d’emplois relayables aux étudiantes et aux étudiants actuels sont une attente forte.
Si vous deviez désigner une filière d’activité, un mode de transport ou un marché de demain, qu’est-ce que vous suggéreriez à nos lecteurs ?
Je suis peu à l’aise avec la prospective et les prédictions sur « le Monde de demain ». Toutefois, pour tenter de répondre quand même à votre question, je dirais que les acteurs et les opérateurs qui sauront trouver les solutions pour répondre à des attentes à géométries variables, à des pratiques et des modes de consommation de plus en plus orientées « à la carte » seront sans doute les mieux placés pour s’adapter aux évolutions rapides qui se préparent.
Merci beaucoup d’avoir répondu à nos questions !
Flash TLTE de janvier 2021